J'aurais pu rester dans ma petite bourgade ou le suivre à l'autre bout du monde. Je ne me reconnais pas. J'ai envie de lui crier mon amour, l’inonder de "Je t'aime" mais je me retiens. Nous ne nous voyons que depuis six jours. Je ne veux pas lui faire peur, le faire fuir. J'aurais pu le suivre peu importe la destination, simplement pour être à ses côtés, l'effleurer, le toucher, l'éreinter.
Il est si présent en moi et pourtant si absent. Il ne m'appartient pas. Que dis-je... nous sommes sensés être libres. N'est-ce pas ma valeur numéro une ? Maintenant, j'aimerais ne pas avoir à le partager, l'arracher à sa femme, vivre intensément, sans avoir à nous cacher. Pourtant, je n'insisterai pas. Je laisserai la situation évoluer comme elle se doit.
J'aurais pu le suivre au stage "marche & jeune" auquel il souhaite s'inscrire. Il m'avait même proposé un temps de l'accompagner et de m'y inviter. La réflexion s'étant elle-même immiscée, il m'avait fait part de sa volonté d'y aller seul pour mener une réflexion sur sa vie. Je n'insisterai pas, encore une fois.
Je m'aperçois tristement que je n'arrive toujours pas à m'écouter et que je suis incapable de savoir clairement ce que je veux. Je suis perdue comme souvent. Je l'aurais suivi avant tout pour être à ses côtés, pour que nous puissions vivre un amour libre, laissant les contraintes, la foule, le monde réel du moins le quotidien, loin de nous, pour nous retrouver ou tout simplement nous trouver. Je l'aurais suivi mais le risque n'aurait-il pas été de me perdre en chemin ? Je suis mais je n'impulse pas, en ce sens, je suis assez passive. Je ne suis pas la conductrice de ma vie, la bergère menant ses brebis au pâturage. Je suis une brebis. Je vais où l'on me dit, je me laisse mener. Il est important que je me reconnecte à moi-m^me, que je prenne des décisions en conscience. Il ne souhaite pas ardemment que je l'accompagne. Je n'insisterai pas. Je me recentrerai sur les désidératas. Avant ce fameux rendez-vous au café où nous avons passé la soirée à discuter et à boire plus que de mesure pour ma part - prémisses de rencontres magiques au bord de l'eau - j'avais décidé de marcher sur le Chemin de Stevenson.
Initialement, ce n'était pas ma première destination. Je souhaitais poursuivre le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Chaque année, je partais avec mon sac à dos harponné aux épaules. Je vivais 14 jours intenses à chaque fois, me laissant aller d'églises, de chapelles ou d'abbayes à rencontrer des personnes toutes différentes les unes des autres mais bien souvent au cœur pur.
Cette année a été bien mouvementée. Après avoir côtoyé pendant presque 23 ans le père de mes deux filles, à en perdre une part de mon identité, je me sépare - enfin. Les mois passés ont été difficiles. La séparation a été compliquée et la désunion reste encore une épreuve à traverser. La famille a éclaté. Mes rêves d'unité familiale ont sombré. Je dois me réinventer, en acceptant de me retrouver seule, face à moi-même. L'angoisse. Plus j'avance en âge, moins j'ai l'impression de me connaître. Oser vivre par moi-même et pour moi-même - sans en oublier mes filles pour lesquelles mon cœur bat plus que tout, être entourée de ma famille, de mes parents - mes phares dans la pénombre - ma sœur, ma bouée émotionnelle quand je déprime. Oser vivre, simplement, évidemment, totalement. Ne pas être dans le faire, du moins pas uniquement et accepter d'être, notamment en me réconciliant avec mon corps.
En ce mois d'août, il fait chaud même très chaud. Les températures culminent. Les nuits sont difficiles. On suffoque. Partir sur le chemin de Compostelle via la voie du Nord, seule, pendant trois semaines ne m'enthousiasme pas tant que ça. Je sais que je continuerai mon chemin et que j'entamerai prochainement ce périple. Maintenant, je sais que ce n'est pas le moment. J'ai besoin de partir, de m'évader, de me retrouver mais moins longtemps.
Le Chemin de Stevenson s'est rappelé à mon bon souvenir. J'ai repris entre mes mains un guide acheté il y a quelques années déjà. J'ai commencé à le feuilleter sans forcément le lire avec grande assiduité. J'ai envie de me laisser porter par la vie, me laisser surprendre. Aussi, la date de mon départ n'est pas clairement définie. Aucun parcours n'a été établi, aucune variante n'a été étudiée ni même découverte. J'ai regardé ce matin les trajets aller de ma bourgade au Puy en Velay. Certains sont très gourmands financièrement. Je chipote. En soi, je peux me permettre de dépenser 5€ de plus. C'est un principe. J'en regorge. Pour l'instant rien n'est figé, si ce n'est que je dois être revenue la dernière semaine du mois d’août pour la rentrée scolaire de mes filles qui sont pour le moment avec leur père.
JEUDI 15 AOUT 2024
Chemin faisant, les jours ont défilé et les aléas de la vie m'ont menée à arriver au Puy en Velay le jeudi 15 aout 2024 - pour les fêtes de l'Assomption. Le diocèse accueille le Cardinal Christophe Pierre, nonce apostolique aux États-Unis et Mgr Jean-Yves Riareux, Évêque émérite de Basse-Terre. Les deux jours ont pour thème : "Notre-Dame du Puy : apprenez-nous à prier !"
Le père de mes filles n'a pas daigné prendre de son temps pour aider sa grande à emménager dans son appartement à Clermont-Ferrand. Œuvrant pour les causes désespérées, j'ai donc laissé mon beau Romain, un jour plus tôt pour accompagner ma fille dans cette tâche. Mon père fidèle au poste nous y a amenées grâce à son Berlingo couleur bouteille. Typhaine dormant allongée à l'arrière du véhicule, entre ses cartons. Les jours ayant passé, ma préparation quant au Chemin de Stevenson n'a pas été plus approfondie. J'ai filé 4 jours et 3 nuits sur le chemin de l'amour avec mon bellâtre, périple entaché par un ex-concubin empli d'aigreur et une future ex-pacsée survoltée et blessée. Je tiens à préciser qu'ils ont acté oralement leur séparation et que je ne suis pas la cause de la rupture mais la conséquence de celle-ci, comme le dirait la sœur de Romain, que j'ai eu l'honneur de rencontrer hier dans le petit village de Lunel.
Il n'y a donc eu aucune préparation, que ce soit psychologique ou physique. J'ai tenté de me donner bonne conscience en allant dans un magasin vendant des articles de sport. J'ai essayé de nouvelles chaussures de marche. Le style "looké" a presque pu me faire croire que j'étais une pro, une grande sportive, mais il n'en n'est rien. Je suis "une grosse molle" qui prend très souvent l'ascenseur et qui ne prend pas le temps de s'occuper de son corps. J'ai hésité un moment à investir dans de nouvelles baskets. Le prix m'a freinée (159€). La bêtise d'acheter et de porter une paire totalement neuve aussi. Elles doivent être "cassées".
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